Le Ministre de la Communication, des Postes, des Télécommunications et des Nouvelles technologies de l’information, M. Jean-Boniface Assele, le Président de l’ARTEL, M. Marius Foungues, et le représentant du Président de FRATEL, M. Issaka Gueye, Membre du Conseil de l’Agence de régulation des télécommunications et des postes du Sénégal, ARTP, ont ouvert cette rencontre, et souhaité la bienvenue à l’ensemble des représentants d’autorités de régulation et d’organismes internationaux présents à l’occasion de ce séminaire, appelant les dirigeants des régulateurs à assumer leur responsabilité pour le bénéfice du consommateur. Ils ont ainsi rappelé la mission du régulateur d’organiser la concurrence et l‘aménagement du territoire au travers, notamment mais pas seulement, du service et de l’accès universel, avec le but de réduire la fracture numérique. C’est pour échanger sur ces thèmes que le FRATEL a été créé, afin que ses membres puissent s’inspirer des expériences de chacun, en les adaptant pour trouver des solutions sur leur marché.
Le thème du séminaire : « La régulation tarifaire et les méthodes de comptabilisation des coûts » a été décliné en trois tables rondes introduite par des exposés liminaires délimitant la problématique, illustrée par des témoignages pratiques de l’expérience des régulateurs.
Table ronde 1 : Le contrôle tarifaire : pour quels objectifs de régulation ?
La première table ronde du séminaire, présidée par M. Marius Foungues, Président de l’ARTEL, a mis en évidence l’importance du contrôle tarifaire pour ouvrir le secteur des télécommunications et faciliter le développement d’offres à des tarifs raisonnables pour le consommateur. Les intervenants ont exposé les divers objectifs que le contrôle tarifaire permet de remplir, rappelant la nécessité d’adapter l’outil choisi à l’objectif. Comme l’a rappelé Mme Zineb Abouyoub, Consultante de la société de conseil, Polyconseil, le régulateur doit empêcher des dysfonctionnements tels que l’effet d’éviction, l’effet de ciseau tarifaire, les possibles subventions croisées, ou encore la mise en place de prix excessifs pour le bénéfice du consommateur. Le contrôle tarifaire est ainsi une procédure par laquelle l’opérateur, en monopole ou puissant sur un marché, soumet à l’analyse du régulateur les tarifs de certaines offres avant de pouvoir les appliquer. L’Autorité vérifie alors la conformité des nouveaux tarifs avec les obligations qui pèsent sur l’opérateur et peut le cas échéant s’opposer à leur entrée en vigueur. La procédure de contrôle diffère selon qu’il s’agit d’offres de détail fournies par l’opérateur prestataire du service universel ou bien d’offres (gros ou détail) pour lesquelles une décision a déterminé que la puissance de marché de l’opérateur comportait des risques importants pour la concurrence. La régulation des tarifs de détail cède progressivement la place au contrôle des seuls tarifs de gros en Europe.
M. Vincent Sakanga, Représentant de l’Union internationale des télécommunications, UIT, pour la sous région d’Afrique centrale a présenté un logiciel de calcul de coûts développé par l’UIT, COSITU, reposant sur un modèle qui nécessite de disposer de nombreuses données au départ.
M. Moctar Traoré, Directeur du service Economie et Concurrence du Comité de régulation des télécommunications du Mali, CRT, rappelant l’objectif majeur de protection des consommateurs dans un environnement concurrentiel soumis à des imperfections de marché, a témoigné de l’expérience du régulateur malien dans le contrôle des tarifs d’interconnexion selon un modèle de coûts moyens incrémentaux à long terme, CMILT. Aujourd’hui, le CRT entreprend des travaux préparatoires pour définir les marchés pertinents sur lesquels il doit agir, et notamment réguler des tarifs de gros d’internet.
En Mauritanie, 97% du parc étant mobile, le contrôle tarifaire de détail n’existe quasiment plus, mais le régulateur concentre son action sur les tarifs de gros mobiles, notamment les terminaisons d’appel, ainsi que la séparation comptable du seul opérateur fixe qui a intégré ses activités mobiles, a souligné M. Abdallahi Mohamed El Moctar, Expert financier de l’Autorité de régulation multisectorielle de Mauritanie, ARM . La qualité de l’information dont dispose le régulateur s’avère cruciale pour choisir et mettre en œuvre ce volet de la régulation. Les nouvelles offres (illimitées, en IP…) présentent un nouveau défi pour le régulateur qui devra adapter ses outils d’évaluation et de contrôle.
M. Abdallahi Mohamed El Moctar (PDF)
Table ronde 2 : Différentes méthodes de comptabilisation des coûts
Les outils de régulation tarifaire s’appuient sur différentes méthodes de comptabilisation des coûts. La deuxième table ronde, présidée par M. Mvondo Abossolo, Chef de Département des Etudes et de la Prospective à l’Agence de régulation des télécommunications du Cameroun, ART, a été introduite par M. Sylvain Géron, associé chez Polyconseil , qui a insisté sur la nécessité, pour choisir un modèle de coût, d’analyser le contexte spécifique national et de définir l’objet dont on souhaite calculer le coût. Coûts comptables/historiques, coûts de remplacement en filière, coûts courants économiques sont des méthodes d’évaluation des coûts qui présentent des avantages et inconvénients aux effets différents selon qu’on les applique à l interconnexion ou au dégroupage par exemple. Il n’y a pas de modèle idéal, et les choix faits en Europe pour un objectif et dans un contexte particulier ne sont pas adaptés à un autre environnement concurrentiel. Constat partagé par Mme Claire Audin, Associée du cabinet Clarity, qui a souligné qu’en Afrique la problématique de modélisation de coût est liée à l’interconnexion, contrairement à la situation européenne (cf. concurrence fixe-mobile différente). L’enjeu de l’accès à l’information s’avère majeur dans le choix du modèle. A ce jour, les régulateurs africains privilégient des modèles qui requièrent peu d’informations à obtenir des opérateurs (benchmarks et bottom up notamment). Après avoir rappelé les deux grandes catégories de modèle – top down (COSITU de l’UIT) et bottom up (Banque Mondiale-BIPE), elle a précisé que les CMILT bottom up étaient le modèle le plus employé sur le continent car, plus prospectif, plus simple et nécessitant moins d’informations de la part des opérateurs. Il n’existe pas de modèle pur juste, un modèle peut convenir pour une région ou un pays et pas ailleurs, le modèle européen n’est par exemple pas transposable sur tous les marchés. Les modèles permettent de réaliser des arbitrages.
M. Sylvain Géron – Polyconseil (PDF)
Mme Claire Audin – Clarity (PDF)
M. Jamel Trabelsi, Économiste à l’Instance Nationale des Télécommunications de Tunisie, INT, a retracé l’usage qu’il fait des différents modèles, pour les coûts d’interconnexion. L’INT utilise un mix de benchmark et de CMILT. Les régulateurs ont confirmé qu’ils sont souvent amenés à choisir des modèles prospectifs, privilégié par défaut d’information des opérateurs. La nécessité d’adapter les modélisations préformatées aux réseaux effectivement en place est également mise en évidence.
M. Kablan Hemos, Secrétaire général du Conseil des télécommunications de Côte d’Ivoire, CTCI, est revenu sur le rééquilibrage des tarifs (Documents ci-joints) lors de l’ouverture à la concurrence du fixe, ainsi que sur le processus qui a poussé le Conseil, après avoir confirmé les décisions de comptabilisation des coûts de l’ATCI, à favoriser la concertation entre les acteurs.
Table ronde 3 : La séparation comptable : un outil permettant de garantir la non-discrimination dans l’accès au réseau de l’opérateur puissant
La troisième table ronde a porté sur un outil particulier de régulation tarifaire, qui peut être imposé à l’opérateur puissant : la séparation comptable. Présidée par M. Philipp Metzger, Vice-directeur de l’Office fédéral des communications, OFCOM suisse, la table ronde a été introduite par un exposé de M. Nicolas Curien, Membre de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, ARCEP de France, qui a rappelé l’objectif de la séparation comptable : garantir la non-discrimination dans l’accès au réseau de l’opérateur qui le détient, en général l’opérateur historique. La mise en œuvre de la séparation comptable repose sur des protocoles de cession interne de l’opérateur dominant. En les formalisant, ce dernier s’engage sur le fait que ses activités de détails recourent notamment aux mêmes tarifs de gros que ceux qu’il propose aux opérateurs alternatifs. « La séparation comptable est un outil de dialogue entre les parties prenantes : opérateurs, régulateur et autorité de la concurrence ». On peut se demander si une solution plus radicale, la séparation fonctionnelle, ne serait pas plus efficace. Toutefois, ce remède, le plus souvent disproportionné, présente le danger de créer un monopole et, avec lui, toutes les difficultés liées à sa régulation en l’absence de concurrence.
M. Nicolas Curien – ARCEP (PDF)
M. Losif Popa, Responsable du Service Audit et Comptabilisation des coûts au Département de la Régulation économique à l’Autorité nationale de réglementation des communications et technologies de l’information de Roumanie, ANRCTI, a insisté sur l’efficacité de la séparation comptable en matière de non-discrimination en illustrant son propos par l’expérience roumaine en la matière.
M. Ndiaye Diouf, de la Direction partenariat de l’ARTP du Sénégal a présenté la situation sur le marché sénégalais qui a défini dix marchés pertinents et fait le choix du modèle des CMILT. La loi de 2001 impose au Sénégal la mise en place d’une comptabilité analytique pour les opérateurs, permettant d’imposer la séparation comptable à l’opérateur historique Sonatel qui sera audité en juillet 2008.
Enfin, M. Ahmed Khaouja, Directeur des Evaluations et de la Concurrence de l’ANRT a insisté sur l’importance de la transparence des opérateurs pour mettre en place la comptabilisation des coûts et pouvoir envisager d’imposer la séparation comptable. « Au Maroc, treize opérateurs et deux opérateurs globaux, ont tous l’obligation de mettre en œuvre une comptabilité réglementaire afin de permettre à l’Agence nationale de réglementation des télécommunications du Maroc, ANRT, de les contrôler facilement ».