Le 4ème Séminaire de FRATEL s’est tenu à Yaoundé (Cameroun), les 12 et 13 avril 2007
Le ministre d’Etat M. BELLO BOUBO MAIGARI, après avoir rappelé « l’intérêt que le Cameroun accorde à la promotion du partage d’expérience à travers une coopération mutuellement bénéfique entre les membres de FRATEL » a ouvert le séminaire dont le thème, a-t-il estimé, « s’inscrit résolument en droite ligne des préoccupations actuelles des régulateurs de tous les pays, à l’heure où la migration vers ces réseaux pour les opérateurs paraît inéluctable et où seules restent ouvertes les questions de calendrier et de modes d’évolution ».
Le Président de FRATEL, M. Marc FURRER, par ailleurs Président de la Commission fédérale de la Communication (COMCOM) suisse, a de son côté insisté sur l’aspect politique du développement des réseaux, et sur la chance que représente le développement des RNG afin « d’assurer les meilleurs services aux meilleurs prix », sans toutefois ignorer les problèmes que va poser cette migration.
Le séminaire s’est déroulé selon un programme composé de trois tables rondes :
Table ronde 1 : Les RNG : Quels réseaux pour quels services ?
Le Pr. Emmanuel TONYE, de l’ENSP du Cameroun, a tout d’abord souligné trois manières de distinguer les réseaux et les technologies associées. On peut en effet définir le réseau par son usage (fixe, mobile, nomade) mais également par les débits et la couverture qu’ils permettent. Il s’est ensuite concentré sur l’étude du passage à la 3G et notamment le rôle qu’ont joué la normalisation et la standardisation. La mise en place de normes communes a été un élément essentiel du succès de la généralisation de la 2G. L’ensemble des intervenants a par la suite également souligné cet aspect dans les étapes de migration vers ces technologies.
Mme Lamia DELENDA, responsable du Département stratégie et marketing d’Ericsson a présenté les différentes applications rendues possibles par les RNG. Cette nouvelle génération de réseau permettra d’offrir à l’utilisateur final de plus en plus de services haut débit. Elle a souligné l’importance de la neutralité technologique pour permettre d’offrir des solutions diversifiées au bénéfice de tous.
M. Stéphane LECOMTE, directeur Business development de l’Unité WIMAX chez Alcatel – Lucent, rappelant également ce principe de neutralité technologique, a présenté les avantages du WIMAX pour lequel il appelle à cesser les distinctions en terme d’usage. Le WIMAX, selon lui, représente notamment une solution pour réduire la fracture numérique dans des pays où la couverture de réseau est très inégale selon les régions.
M. Christophe VOEGTLIN, responsable de l’unité des solutions de test pour mobile d’ASCOM considère aujourd’hui les RNG comme une nouvelle opportunité qui représente cependant également un nouveau défi, en particulier en matière de qualité de service. Il a ainsi proposé la mise en place d’indicateurs globaux permettant de tester en temps réel (traçabilité) la qualité des différents services.
M. Patrice MICONI de Global Engineering Telecom a également mis l’accent sur la mise en place de ces indicateurs et sur les procédures de contrôle de la qualité. Les objectifs de qualité doivent être pour cela légalisés mais il s’interroge sur la nécessité pour les régulateurs d’imposer des obligations de qualité des services RNG.
M. Samuel PII, planificateur des cœurs de réseaux pour les réseaux de téléphonie mobile de MTN Cameroon, a souligné l’importance de l’intégration progressive et continue des évolutions des réseaux pour les pays en voie de développement, tout en insistant sur la nécessité, en parallèle à la migration vers les RNG, d’une modernisation de la couche de contrôle.
Table ronde 2 : Quelles actions le régulateur peut-il envisager pour faciliter la migration vers les RNG au bénéfice du consommateur ?
M. Michel DONZE de l’OFCOM suisse a présenté l’état des lieux en terme de régulation en Suisse après les modifications apportée par l’OFCOM en avril 2007 en matière de d’accès, de protection du consommateur et de suppression des concessions de services de télécom (le passage à un régime de déclaration). En ce qui concerne la VoIP, elle est considérée par l’OFCOM comme de la téléphonie publique et les opérateurs qui l’offrent doivent respecter les obligations légales comme les autres opérateurs de ce type de service. Il est cependant difficile de vérifier le respect de ces obligations. S’agissant des raccordements au haut débit, l’ADSL est bien développé et l’IPTV est lancé depuis fin 2006. Le VDSL et le DVB-H seront lancés cette année. Les RNG vont se développer prochainement, il existe déjà des RNG partiels en Suisse et leur développement va impliquer la révision de nombreux instruments de régulations : les modèles d’interconnexion, de numérotation et d’adressage, de définition de la dominance, de sécurité des réseaux…
M. Christian DELEBARRE de France Telecom a insisté sur la flexibilité et la simplification induites par le passage d’un régime de commutation circuit à un régime de commutation paquet, rendant ainsi possible la convergence mais entraînant également de nouvelles caractéristiques du réseau : plus difficile à contrôler, plus facile à pirater… et requérant donc de nouveaux outils de contrôle.
M. Modibo CAMARA, Directeur du CRT du Mali et ancien Président de FRATEL (2003 – 2004), a souhaité partager avec les membres de FRATEL ses préoccupations quant aux RNG. Les TIC représentent un élément essentiel pour le développement économique de tous les pays et le Mali, ainsi que les autres pays en voie de développement, arriveront nécessairement à la migration vers ces réseaux. Il convient de s’y préparer. Pour cela, une redéfinition du cadre réglementaire et des missions de régulation doit être mise en œuvre, mais cette réforme peut-elle être réalisée alors que des licences sont encore en concession (et ont consenti un monopole pour une certaine durée) ? Ou alors comment faire évoluer ces licences ? M. Modibo Camara a conclu ainsi son intervention : « pour préparer le passage vers les RNG, la réglementation devra d’abord être revue pour y intégrer le phénomène de la convergence. En effet, les opérateurs sont des investisseurs privés qui ont besoin de prévisibilité. Le régulateur doit élaborer, en concertation avec tous les acteurs, des règles et procédures claires, transparentes et objectives. En dernier lieu, le régulateur lui-même devra revoir sa structure et son organisation interne pour s’adapter à ce nouveau contexte ».
Enfin, M. Eric Vève, s’appuyant sur le principe de neutralité technologique, souligne le fait que l’on ne peut pas apporter de mesures spécifiques pour les RNG, les opérateurs RNG doivent être soumis aux mêmes obligations. Ainsi convient-il plutôt de parler de mesures d’accompagnement au développement des RNG et non de facilitation. Selon lui, on ne peut pas ériger de lignes directrices uniformes pour le développement des RNG. Le point de départ de chaque pays pour sa migration vers les RNG est différent et la manière d’y arriver le sera aussi compte tenu des approches des politiques de réglementation nationale : l’innovation technologique, la protection des consommateurs et la qualité de service sont conciliées différemment selon les pays (de manière plus ou moins flexible, plus ou moins interventionniste). Avant de réformer le cadre règlementaire existant, il faut vérifier son adaptabilité au passage au RNG. Une refonte complète n’est pas forcément nécessaire. En matière de qualité de service, deux approches sont privilégiées par les régulateurs : une approche incitative : l’autorité de régulation pousse à informer le consommateur (ex : Royaume Uni, un site internet pour l’information du consommateur : http://www.ofcom.org.uk/consumeradvice/ ) ; une approche contraignante : obligations de performance (ex : au Brésil, 36 critères sont définis par le régulateur. Les opérateurs doivent communiquer à l’autorité de régulation les indicateurs de performances et l’autorité peut sanctionner en cas de non respect de ces critères). Ces deux approches sont non exclusives et le régulateur choisit en fonction de la taille du marché et de l’offre de service. Informer le consommateur doit être une obligation ; elle est d’ailleurs en France inscrite au code de la consommation et doit donc s’appliquer aux RNG. L’information doit être précise et également permettre une prise de conscience du consommateur en terme de cybercriminalité, les RNG étant plus facile à pirater.
Table ronde 3 : Comment la régulation des opérateurs dominants est-elle modifiée par le passage aux Réseaux nouvelles générations?
M. CURIEN de l’ARCEP a insisté sur le fait que le passage aux RNG diminue les barrières à l’entrée et devrait rendre la pénétration sur le marché plus facile pour de nouveaux acteurs, les investissements nécessaires pour développer une offre étant plus faibles que pour les réseaux traditionnels. Si la régulation symétrique semble devenir plus cruciale que la régulation asymétrique, cette dernière dépend de la situation de départ et de l’intensité concurrentielle, mais aussi des domaines examinés : problème de la réplicabilité des services, d’interconnexion en IP et de tarification… Avec les RNG, le marché devient un marché biface, l’opérateur se retrouvant entre les consommateurs/clients et les fournisseurs de contenus et services, ce qui permet des évolutions dans la répartition des revenus. Cette nouvelle dimension se traduira ainsi sur les modèles de tarification et d’interconnexion.
Le Professeur TONYE a concentré son deuxième exposé sur les régimes de licences actuellement en cours en Afrique (Cameroun en particulier). Les autorités ont accordé des concessions sur une durée moyenne d’une dizaine d’années sur la base d’une licence, comportant des droits et des obligations, attribuée à un prix fixe élevé. La réglementation, avec le passage aux RNG s’orientera vers la suppression progressive de ces concessions (cadre trop rigide et éloigné de la réalité qu’implique la convergence des réseaux et le développement des offres multi accès) sur la base d’une licence neutre ou d’une licence globale contre des paiements liés au volume de l’activité.
Mme Gihane BELHOUSSAIN de l’ANRT du Maroc a développé les axes de travail sur lesquels le régulateur devra prochainement se concentrer. La tarification devra prendre en compte ce changement de modèle. La neutralité technologique doit plus que jamais devenir un principe fondamental dans les choix des opérateurs et devrait également être au centre de la définition du service universel. La migration vers les RNG doit permettre une redéfinition du service universel, qui doit être dorénavant pensé en terme d’accès. La protection du consommateur doit également susciter une attention particulière du régulateur qui doit permettre au consommateur d’être informé et de bénéficier d’une qualité de service optimum. Enfin, la sécurité des réseaux est mise à rude épreuve avec cette migration, l’intrusion étant plus facile pour un RNG que pour les réseaux traditionnels.
Enfin, le Président de l’Association des Régulateurs de Télécommunication d’Afrique Centrale (ARTAC), M. Valéri SAI, Directeur de l’Agence de Régulation des Télécommunications (ART) de Centrafrique a présenté l’association, ses objectifs et perspectives et son plan d’action pour les années à venir.
Les travaux se sont terminés par une synthèse réalisée par le Président de FRATEL, M. Marc FURRER et le Chef du Département des Etudes et de la Prospective de l’ART du Cameroun, M. Aboubakar HAMAN a clos le séminaire.